Sous le choc d’un geste de harcèlement, d’intimidation ou d’agression ? Le besoin de sécurité est primordial et doit être respecté, que la victime dénonce ou non.
Comme bien d’entre vous, je suis témoin de l’afflux de dénonciations d’actes de harcèlement sexuel, d’inconduite sexuelle ou d’agression sexuelle qui déferlent en ce moment dans les médias et les médias sociaux. Par solidarité envers toutes les victimes qui brisent le silence, je ne peux que me réjouir de l’impact possible sur les victimes qui n’ont pas encore brisé le silence et se sentiront appuyées, comprises, écoutées et crues si elles dénoncent, et y trouveront peut-être le courage de passer à l’action.
Il est normal de ne pas réagir sur le coup
On parle beaucoup de lignes d’écoute et de protocoles de dénonciation en ce moment. Dans plusieurs des témoignages, un thème revient souvent. « Quand c’est arrivé, je n’ai pas eu le réflexe/le courage d’en parler. » On voudrait que ça change.
Je souhaite qu’on reconnaisse et normalise cet état. Ce n’est ni de la lâcheté ni du mutisme: c’est un état de choc. Lorsque quelqu’un pose un geste qui ne respecte pas notre intégrité physique ou psychologique, nous sommes tous décontenancés. Certaines personnes le ressentiront comme de la surprise, d’autres seront hébétés, d’autres se sentiront coupables, honteux, paniqués, en colère, etc. Mais d’abord et avant tout, il faut nommer et conscientiser que toutes les personnes dont on viole les frontières se sentent en danger.
Vous le trouverez dans tous les récits : les gens ont parfois repoussé leur agresseur, se sont enfuis, etc. Tout ça pour se retrouver aussi loin que possible de la source de l’agression et se retrouver en sécurité (même imaginaire). Je pense à un enfant victime de violence, par exemple, qui se réfugie dans sa chambre.
Et les gens qui ont paralysé dans ces moments ? Rappelons que la paralysie est l’une des réactions primitives devant le danger (i.e. faire le mort ou ne plus bouger pour ne pas être vu par le prédateur). La dissociation (ne plus être présent.e, ne plus sentir son corps) en est une forme plus intense. Là encore, il n’y a aucune lâcheté mais bien une réaction normale dans une situation hautement anormale.
Dans ces moments, il est parfaitement naturel de subvenir à notre besoin le plus primordial : nous retrouver loin du danger. L’état de choc peut durer de quelques heures à plusieurs semaines et le besoin demeure bien présent : rester en sécurité.
Les besoins des victimes
Les victimes ont tant de besoins différents, et des moyens tellement inégaux d’y répondre. On veut pousser les victimes à parler le plus rapidement possible. On veut que les agresseurs, les harceleur.euses, les intimidateur.trice.s se sentent surveillés, à découvert. Mais encore faut-il respecter le grand besoin de sécurité de leurs victimes. N’oublions pas que parler d’une agression, peu importe son intensité, c’est déclencher les sensations, les souvenirs, les émotions et cognitions qui sont associés à cette agression. Pour certains dont l’équilibre psychologique est compromis, ces expériences peuvent être très intenses. Il est donc important d’aider les victimes à trouver un espace (intérieur et extérieur) qui leur permette d’en parler de manière sécuritaire pour leur bien-être. Sans quoi le processus est tout aussi violent et traumatique que l’agression elle-même.
Vous qui écrivez #moi aussi ou pourriez le faire, n’ayez surtout pas peur de nommer vos besoins et de faire ce que vous pouvez pour rester en sécurité. Choisissez les personnes qui sont vraiment aptes à vous aider à conserver cette sensation. Allez chercher de l’aide professionnelle pour adresser vos réactions toutes personnelles envers les événements et leurs séquelles. Se regrouper à plusieurs pour dénoncer un.e agresseur, harceleur.euse, intimidateur.trice a le grand avantage de donner un pouvoir de groupe et un momentum pour passer à l’action.
Dans notre travail de psychologue ou de psychothérapeute, nous avons la possibilité d’explorer la signification des agressions et des abus de manière hautement spécifique et thérapeutique. Les mouvements collectifs n’ont pas ce luxe. Pousser une personne à faire ceci ou cela en lien avec son abus n’est pas toujours dans son meilleur intérêt. En bout de ligne, l’intégration de notre histoire spécifique, incluant le(s) épisode(s) d’abus, demeure une démarche qui ne pourra se faire qu’au niveau personnel.
La dénonciation, c’est très important. Que vous dénonciez ou non, votre bien-être et votre sentiment de valeur personnelle doivent rester une priorité. Vous seul.e pouvez veiller à ce qu’ils soient adressés et respectés.
Dre Sophie Côté est psychologue et se spécialise dans le traitement de l’anxiété et des difficultés liées au sentiment de valeur personnelle. N’hésitez pas à consulter notre site web pour plus d’information.